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Le nyckelharpa

 

 

Le nyckelharpa

Traduction de l'article original d'Anders Rosen


L'ouvrage le plus documenté à ce propos est, de loin, la thèse de doctorat de Jan Ling ("les nyckelharpas" - 1967 & 1979, (ISBN 91-518-1271), précédée d'un long résumé en anglais.


     On retrouve des traces du nyckelharpa depuis le Moyen-Age. La description la plus ancienne se trouve sur le pilier d'une des portes de l'église de Kallünge, dans le Gotland, et daterait de 1350.      Durant le XV°s, le nyckelharpa apparait dans l'iconographie des églises et, fait notable, surtout dans l'Uppland qui parait ainsi être le berceau de l'instrument. Durant le XVI°, on retrouve des traces sur une large étendue géographique, du nord de la Suède au Danemark et à l'Allemagne. Au cours des XVII° et XVIII° on retrouve des instruments en Finlande et en Norvège, mais il semble avoir disparu dans le sud de la Suède. Par la suite, cette zone parait se restreindre à nouveau à l'Uppland, quoique le nyckelharpa ait été joué dans aussi dans d'autres régions suédoises. Même s'il est impossible d'affirmer complètement son origine suédoise, il reste que le nyckelharpa est un instrument typique de la Suède, une des deux contributions majeures du pays à l'histoire des instruments de musique, le second étant le grand clavicorde suédois du XVIII°-début XIX°.


     Comme la vielle à roue, le nyckelharpa est un instrument à cordes et à clavier, les notes étant obtenues en touchant les cordes avec les touches. La roue de la vielle est un véritable archet sans fin, idée derrière laquelle se cache le fait que le bourdon ne devait pas s'arrêter au changement de mouvement de l'archet, un peu comme pour imiter la cornemuse. Peu de choses sépare la vielle à roue du nyckelharpa, et il est pourtant étonnant de constater que celui-ci (qui ressemblait vraiment, à l'origine, à un violon à clavier) n'a pas été inventé avant la vielle , dont on retrouve la trace dès le XII°s. Dans l'état actuel des recherches, il semblerait que le nyckelharpa tienne son clavier de la vielle, et sa forme de divers instruments à cordes.


     Cependant, il existe, dans une bible catalane manuscrite datant d'environ 1100, une miniature qui n'est citée dans aucun document sur le nyckelharpa et qui représente un joueur de violon dont la main gauche passe par dessus le manche, comme pour une vielle à roue. Cette façon de jouer implique l'existence d'un clavier, mais il est difficile de l'affirmer sur l'image (quelque chose dépasse sous le manche, qui pourrait aussi bien être une touche que le pouce du musicien). Il s'agit donc d'un document sujet à caution, l'artiste pouvant n'avoir eu que des connaissances musicales limitées. Ce serait, en tout cas, la première apparition du nyckelharpa dans l'iconographie, et ce serait en cohérence avec l'histoire de la vielle.(la miniature apparait au n°24 de l'index des images de l'ouvrage de Bachmann "Die Anfänge des Streichinstrumentenspiels", Leipzig, 1966).


     Le modèle de base du nyckelharpa comporte une rangée de touches (singulier: nyckel et plur: nycklar, ou sing: knaver et plur: knavar en suédois) munies de sautereaux (sing et plur: löv) perpendiculaires à elles et agissant sur la corde mélodique, et un certain nombre de bourdons. La distance séparant les sautereaux définit le, ou les, mode(s). Ces modes étaient variables sur les instruments anciens, et assez différents, bien sûr, de l'accord tempéré moderne (celui du piano). Ce modèle de base est appelé Enkelharpa (ou nyckelharpa simple). Le problème est qu'aucun de ces modèles de base n'a été conservé dans son état initial dans la mesure où, dès les origines, on expérimentait l'ajout d'un deuxième sautereau sur certaines touches afin de produire des double-cordes particulières. Ce type d'ajout s'appelle "mixtur" et se justifie par le fait qu'on peut rechercher, pour certaines gammes ou modes, des accords plus adaptés à la mélodie que ne le feraient les bourdons. Les choses se compliquent encore dans la mesure où l'on n'est pas certain que ces "mixtures" ont vraiment été utilisées. Il peut s'agir de simples expérimentations, les sautereaux ayant pu être enlevés ou déplacés, tous ou certains, afin de revenir à un modèle plus simple.


     Le terme actuel pour ces instruments est "mixturharpa". Ce mot, comme celui d'Enkelharpa, n'est pas employé par les musiciens eux-mêmes, et n'a d'intérêt que dans le cadre de recherches historiques, afin de différencier les différents types d'instruments. Les musiciens parlent de "harpa", "nyckelharpa", Schlüsselfiedel", "knaverharpa", "nyckelgiga", "nøglegiga", "nyckelfela", "nøglefeile" ou d'autres noms proches.


     Les premiers nyckelharpas n'avaient aucune corde sympathique (ou corde de résonance).Les modèles les plus anciens dont on dispose et qui possèdent ces cordes date de 1777-1830, mais des instruments similaires et plus anciens ont sans doute disparu. L'idée des cordes sympathiqes n'est pas suédoise, et probablement pas européenne non plus.On ignore où, précisément, cette innovation a eu lieu sur la viole, bien qu'elle soit citée dès 1618-19 dans le Syntagma Musicum Vol.2, Organographia de Michael Praetorius. Une des hypothèses est que le concept des cordes de résonance ait pénétré l'Europe dans le cadre du commerce avec les Indes et le monde musulman où ce type d'instruments était déjà employé. Ces relations commerciales ont été très élargies lorsque la Reine d'Angleterre Elizabeth Ist a accordé des droits commerciaux à l'East India Company en 1600.On peut supposer que les navires ne ramenaient pas en Angleterre que de la soie et des épices, mais sans doute aussi des instruments traditionnels et, peut-être, quelque indigène sachant en jouer devant quelques curieux. Praetorius écrit ceci à propos d'une viole-lyre (une viole de gambe particulière qui s'accordait de différentes manières): "Les anglais ont inventé quelque chose de nouveau et étrange: sous les 6 cordes habituelles, ils ont ajouté 8 cordes d'acier filées bronze reposant sur un large chevalet (comme celui du pandora) et qui s'accordent avec exactitude sur celles du dessus. Lorsqu'une des 6 cordes de boyau et pincée ou frottée, les cordes du dessous, en acier et bronze, vibrent par résonance, de plus en plus, de telle façon que le son doux se renforce et s'amplifie."


     Le plus connu et le plus répandu des instruments à cordes sympathiques est, bien sûr, en Europe, la viole d'amour, mais il existe également, en Suède comme sur le continent, un violon d'amour. Le Hardingfele norvégien est sans doute à voir sous cet angle: une version populaire du violon d'amour, ayant acquis une popularité nationale particulière, équivalente à celle du nyckelharpa suédois, et qui aurait suivi une évolution analogue à celui-ci par l'adjonction de cordes sympathiques. La cousine du nyckelharpa, le vielle à roue, dispose aussi de cordes sympathiques depuis la même époque. L'usage de ces cordes est intéressant non seulement d'un point de vue technique, mais aussi parce qu'il montre bien que les musiciens d'autrefois suivaient de près les évolutions nées sur le continent et se tenaient à jour.


     C'est vers la fin du XVIII°s qu'apparait le Kontrabasharpa. Ce nom vient sans doute du vocabulaire des musiciens eux-mêmes, mais on ne sait pas quand exactement. Il apparait déjà en 1899, dans l'ouvrage de Leffler "Om nyckelarpospelet på Skansen" (à propos du nyckelharpa joué à Skanie), où il désigne ainsi le "vieux modèle" qui est supposé avoir disparu (ce qui n'était que partiellement vrai). Leffler cite dans sa description ce que nous appelons aujourd'hui l'Enkelharpa. Selon lui, il aurait 3 cordes mélodiques (La, Sol ou La, et Ré) et aurait habituellement (on dirait toujours aujourd'hui) un clavier à une rangée pour la corde la plus externe et la plus aigüe. Il dit aussi que "certaines des touches de ces nyckelharpas ont un sautereau supplémentaire pour la corde mélodique la plus grave (celle qui est la plus proche du musicien)". A titre d'exemple, il évoque un nyckelharpa de Roslagen dont les touches 1,2,3,4,5 et 7 ont ce deuxième sautereau. On appelle actuellement Kontrabasharpa cet instrument a 2 cordes mélodiques encadrant un bourdon. L'une des particularités du kontrabasharpa est d'avoir de bonnes possibilités chromatiques et de pouvoir interpréter différentes tonalités, mineures ou majeures, en ne modifiant que très peu l'accord. Par la suite, on a ajouté sur certains Kontrabasharpas un deuxième bourdon et/ou on les a adaptés en "mixture". Les deux bourdons des Kontrabasharpa qui les possédaient étaient accordés en Ré et Sol, et, par la suite, plus souvent en Do et Sol. Ce dernier accord correspond à une adaptation au répertoire favorisant de plus en plus le Do Maj. Il pourrait s'agir aussi d'une manière simple de s'approcher du Silverbasharpa, lorsqu'il apparaitra, celui-ci nécessitant des doigtés différents. Si le passage a deux bourdons semble augmenter les capacités de l'instrument, il limite, en fait, l'usage satisfaisant de certaines tonalités et les possibilités chromatiques.


     Le terme de Kontrabasharpa n'a rien à voir avec la contrebasse de l'orchestre, et ce n'est pas plus, comme on pourrait le croire, une basse de nyckelharpa. Le nom vient du fait qu'il dispose d'une deuxième corde mélodique à l'opposé (contra), sur le clavier, de la première.


     L'Enkelharpa est construit sur le principe du clavier à une rangée avec une corde mélodique (avec différentes variations). Le Kontrabasharpa introduit la deuxième corde mélodique indépendante, bien qu'il n'y ait toujours qu'un seul rang de touches. La présence du (ou des) bourdon(s) entre ces deux cordes donne ce son caractéristique au Kontrabasharpa, avec un bourdon quasi-continu.


     Beaucoup des évolutions connues par le nyckelharpa sont liées à la place qu'on a faite au bourdon en différentes périodes musicales et aux modes du moment. D'un côté, on retrouve des instruments très centrés sur le bourdon, et qu'on n'utilise pas autrement qu'avec cette "basse continue", et de l'autre se trouve le nyckelharpa chromatique moderne qui s'est totalement affranchi du bourdon pour devenir un instrument différent de ce qui s'est fait au cours de ces cinq siècles d'évolution. C'est entre ces deux extrêmes que l'on peut situer le Silverbasharpa.


     Le nom de silverbasharpa est issu, lui aussi, de la terminologie des musiciens, et est également mentionné en 1899 par Leffler, qui le présente comme "nouveau modèle" ayant une centaine d'années (ce qui est peut êre un peu excessif). Le nom lui-même n'est pas très précis. Il fait, en fait, seulement référence à l'usage sur ces instruments de cordes graves faites partiellement en argent. En revisitant l'histoire, on constate que l'utilisation des cordes filées métal existe depuis la fin du XVII°s, mais les cordes métalliques non filées sont plus anciennes (par exemple pour le violon) et, si elles étaient utilisées sur un instrument à cordes frottées, il n'y a nul doute qu'elles l'aient été sur d'autres par la suite. C'est la France qui a dominé le champ des cordes filées métal. Les italiens, plus "conservateurs", ont continué à jouer sur des cordes boyau jusqu'à la fin du XVIII°s, les allemands optant pour le moyen terme avec des cordes boyau et un Sol filé. Début XVII°, déjà, on utilisait sur les violons, en France, des cordes boyau pour le La et le Mi, une corde filée large pour le Ré et une corde filée serré pour le Sol ( ce qui est, d'ailleurs, hormis le Mi métallique, le montage actuel du hardingfele norvégien). Les métaux utilisés pour filer les cordes étaient le cuivre, l'argent ou le cuivre plaqué argent.


     Cette introduction des cordes sympathiques sur le nyckelharpa montre bien que les musiciens de l'époque avaient le regard tourné vers le continent afin d'observer ce qui était, ou allait être, en vogue, et on peut supposer qu'ils étaient tout à fait au point avec la technique de filage en métal des cordes. Ceci est probablement le fait de la haute société et des contacts du peuple avec sa culture musicale, mais est aussi lié aux rassemblements populaires, notamment dans le milieu ouvrier, dont le principale vecteur était les musiques et les danses en vogue et apprises dès le plus jeune âge. Lövka Bruk est un de ces lieux de rassemblement où les meilleurs musiciens étaient conviés, les autres jouant en d'autres occasions.


     Dans leur essai sur la typologie des nyckelharpas, Gunnar Ahlbäck et Gunnar Fredelius pensent que, dans les témoignages recueillis avant 1967, le terme de silverbasharpa ne correspond pas nécessairement à l'intrument dont parle Ling ou la typologie actuelle. A l'époque, en effet, il pouvait s'agir de "kontrabasharpa à double rangée", de "mixtureharpa", voire de nyckelharpas chromatiques à trois rangées. Le nom pouvait être employé, aussi, pour un Enkelharpa ou un "mixtureharpa" ayant une corde grave filée argent. De plus, il n'est pas certain que lors des premières expérimentations seul l'argent ait été utilisé pour le filage.Pour des raisons économiques, mais aussi acoustiques, le cuivre ou le cuivre plaqué argent ont été utilisés, et le filage pouvait être large (les spires ne se touchant pas) ou serré (spires jointives). Il n'y a donc pas d'argent du tout sur certain silverbasharpas, et d'autres peuvent être des silverbasharpa un jour et un copperbasharpa (si le terme existe) le lendemain.


     La définition moderne et consensuelle du silverbasharpa décrit un instrument à deux cordes mélodiques et deux bourdons. L'évolution la plus remarquable est la présence d'une rangée de touches pour la 2° corde. Par ailleurs, certaines astuces sur le "mixtureharpas" permettaient de jouer dans la tonalité habituelle de Do Maj; touches à 2 sautereaux, accord de Sol Maj (qui permettait aussi de jouer en Sol Maj). Quoique disposant de peu de touches, ce deuxième rang permettait quand même de jouer des mélodies sur la deuxième corde. Or, l'un des intérêts du silverbasharpa était aussi de pouvoir agrémenter la mélodie de double-cordes sans être limité par l'usage d'une seule touche avec deux sautereaux. Comme on l'a déjà vu, sur les instruments plus anciens, ces double-cordes n'était en effet possibles qu'avec une corde à vide ou sur certaines touches définies de l'unique rangée des "mixtureharpas". Il était toutefois possible de se passer de ces double-cordes imposées en enlevant les sautereaux ou en les faisant pivoter. A l'inverse, sur le silverbasharpa, on peut jouer les double-cordes que l'on souhaite, ou ne pas les jouer et utiliser la deuxième corde comme une mélodique ou un bourdon supplémentaire. En jouant la mélodie sur la deuxième corde on dispose d'un bourdon plus aigu en plus du bourdon grave.


     A l'origine la deuxième rangée comportait huit touches (peut être une sorte de kontrabasharpa chromatique), certaines étant toutefois difficiles à jouer et ayant entraîné la réduction de leur nombre à 4 ou 6 traditionnellement. La première rangée pouvait avoir jusqu'à 21 touches. Les cordes mélodiques étaient accordées en La et Do et les bourdons en Sol et Do. Le silverbasharpa convenant tellement bien au Do maj, on l'a parfois appelé le "DoMaj harpa". Mais on pouvait aussi jouer en Sol et Fa majeur, voire, plus rarement, en La mineur (relative du Do Maj). Toutefois, plus on s'écarte du Do Maj, et plus plus on doit être prudent avec les bourdons pour éviter quelques dissonances étranges (ou intéressantes) comme on en entend ça et là, et notamment dans les enregistrements de Sigurd Holmberg. On n'a pas d'exemple de ré-accordage (scoredatura) de l'instrument pour d'autres tonalités, mais il n'est pas interdit de penser que cela ait pu arriver. Peut être n'a-t-on tout simplement rien demandé à ce propos quand les vieux musiciens, ceux qui auraient pu parler de l'ancien temps et de ce qu'ils avaient entendu, étaient encore là. On peut, pour le moins, estimer que ce réaccordage était tout à fait possible sur le silverbasharpa, comme ça l'était sur le kontrabasharpa.


     En rapprochant les deux mélodiques, il est devenu possible de jouer des mélodies sans bourdon continu. Un style de jeu caractéristique, "dip bass" s'est alors développé, dans lequel les bourdons n'avaient pas qu'un rôle harmonique, mais aussi une fonction rythmique. Ce n'est pas, à proprement parler, quelque chose de nouveau dans la mesure où le vieil Enkelharpa invite aussi à ce type de jeu qui est, d'une certaine manière, une réminiscence du jeu des violoneux, avec un violon accordé selon la tonalité jouée, les airs anciens étant souvent interprétés sur les deux cordes aigües, les deux graves faisant office de bourdons. Le bourdon grave filé argent convient beaucoup mieux à ce type de jeu que le boyau non filé.


     Dans un sens, le silverbasharpa représente un évolution de l'instrument, mais les joueurs de kontrabasharpa pointent souvent les limitations qu'il a. Celles-ci sont liées au fait qu'il dispose de moins de possibilités chromatiques et qu'il est plus difficile de varier les tonalités. Cependant, on s'est beaucoup préoccupé de ces limites et plusieurs pistes ont été explorées pour les contourner. En raison de sa sobriété, le silverbasharpa est un instrument très élégant, chaque détail faisant état de l'habileté et du sens artistique de son concepteur, d'où qu'il soit. Le musicien Jonas Skoglund et ses contemporains prétendaient que le premier silverbasharpa avait été construit par un facteur d'orgue pour le sergent Söderstedt. A en croire les travaux de Ling, ce facteur d'orgue serait Pehr Olof Gullbergson, en 1838. C'est tout à fait possible, en effet, mais il semble plus probable que l'instrument est le fruit d'un long cheminement qui serait passé par une corde grave filée sur de vieux instruments et une évolution progressive vers la tonalité actuelle. L'époque doit être correcte, mais celà pose d'autres questions. De nouvelles danses et modes musicales ont vu le jour au moment où apparaissaient et se répandaient les premiers accordéons fabriqués en série, ce qui n'est sans doute pas une simple coincidence. La valse, et d'autres types modernes de polska ont connu une certaine vogue au début du XIX°s. A la fin du siècle, d'autres danses ont été introduites, comme la polka et la schottishe qui étaient souvent jouées au mélodéon (ce qui n'est pas surprenant car le melodeon était très répandu dans le milieu rural). Une des hypothèses au sujet de la prépondérance du Do Maj dans le répertoire du nyckelharpa serait le fait de fréquents duo avec des clarinette en Do. C'est peut-être en partie vrai, mais il semble plus probale que le répertoire du silverbasharpa soit tout simplement adapté du répertoire du mélodéon à une rangée.


     Le "kontrabasharpa mer dubbellek" (qu'on appelle souvent österbyharpa en raison de sa région d'influence principale) se trouve, lui, à mi-chemin entre le silverbasharpa et le kontrabasharpa. Il a probablement été imaginé afin de permettre aux musiciens qui jouaient du kontrabasharpa et en aimaient la sonorité de, malgré tout, se tenir à jour dans les innovations et jouer le nouveau repertoire sans impérativement réapprendre tout une technique de jeu. Les deux cordes mélodiques sont toujours de part et d'autre du clavier, séparées par le(s) bourdon(s). Il possède en plus une nouvelle corde mélodique à côté de la première, comme sur le silverbasharpa. Le montage rend inévitable l'usage de bourdons continus, à "l'ancienne manière". Ce qui est typique de cet instrument est, cependant, la possibilité d'utiliser la corde mélodique pour des ornementations telles que des double-cordes comme sur le silverbasharpa, mais aussi l'existence de touches mixtes correspondant à celles du silverbasharpa.


     D'après les anciens, on sait que les cordes melodiques étaient faites en soie traitée, comme sur les violons ou les haringfele. Sur le kontrabasharpa, les bourdons étaient en général en boyau, mais des cordes filées ont sans doute été employées ça et là. Aux alentours de 1900, les trois premières cordes du silverbasharpa étaient en général en boyau et le bourdon grave en soie filée argent ou cuivre plaqué argent. La soie a certainement été aussi utilisée, sur les premiers silverbasharpas, pour la mélodique aigüe. Vers le début du XX°s, quelques musiciens ont commencé à utiliser l'acier pour la première mélodique, peut-être sous l'influence des violoneux. En musique classique, le Mi en acier des violons a fait sa véritable percée aux environs de la Première Guerre Mondiale, quoique certaines expérimentations aient été faite fin XIX° avec un Mi et un La métalliques. Certains, pourtant, disent que dans ce domaine des innovations les musiciens traditionnels étaient experts , sans doute en raison de la nécessité d'avoir du matériel solide et des instruments tenant bien l'accord pendant les danses dans des atmosphères chaudes et humides. Cependant, beaucoup de nyckelharpistes et de violonistes ont, pour des raisons de sonorité, continué à utiliser des cordes en boyau jusqu'au milieu du XX°s. Progressivement, à mesure qu'il se mettaient à utiliser des cordes industrielles, les cordes métalliques ont fini par s'imposer, avec parfois encore, pour les plus fines, l'usage du boyau filé. Les cordes métallique modernes, filées métal sur noyau métal, existaient déjà avant 1950.


     Un élément important à retenir lorsqu'on accorde un vieil instrument et que la référence a changé depuis, le La 440 Hz étant devenu le standard actuel, quoique ne valant pas toujours, d'ailleurs, pour les orchestres ou le piano. Autrefois, les différences d'accord étaient importantes, tant au niveau local qu'au niveau national. Les musiciens traditionnels étaient, en outre, moins attachés à ces standards que les musiciens d'orchestre. Ils pouvaient se permettre d'accorder leur instrument comme ils voulaient pour qu'il sonne au mieux.(cad que la pression sur la table soit optimum, avec une tension laissant un bonne marge avant la rupture de la corde, tout en conservant suffisamment de volume et de brillant. Les cordes boyau supportant de plus grandes tensions que la soie, on peut supposer qu'avec des cordes en soie les musiciens accordaient plus bas. Comme nous l'avons vu, les premiers silverbasharpa avaient gardé quelques caractéristiques du kontrabasharpa. On a conservé beaucoup d'enregistrement en Sol, typique du kontrabasharpa et une quarte plus bas que l'accord actuel, jusqu'au XX°s.


     Au tournant du siècle, les deux types d'accord, aigu et grave, se cotoyaient. Les clarinettes de cette époques étaient souvent accordées un demi-ton, par exemple, plus haut que le standart de l'époque, ce qui pouvait donner un La 432 Hz. Si une clarinette en Do devait jouer avec un violon ou un nyckelharpa, l'accord convenait ainsi très bien. Si la clarinette était en Sib, il fallait descendre un peu le violon et le nyckelharpa. Les musiciens populaires, qui jouaient toujours d'oreille et étaient des "illettrés" sur le plan musical, se souciaient peu de tout ça, et la méthode leur permettait surtout de jouer plus facilement, sans transposer et sans modifier les doigtés, ce qui est l'essentiel! Les clarinettistes jouaient plutôt des instruments anciens, datant plutôt du XVIII° . Il pouvait s'agir d'instruments en bois, avec peu de clefs, ou d'instruments en ébène avec un système allemand (le système Boehm) qui ouvrait plus facilement à toutes les tonalités mais qui, en revanche, avait un son moins puissant. Ces antiques clarinettes n'étaient pas du tout tempérées et les changements de tonalité pouvaient entraîner quelques difficultés. Certaines tonalités pouvaient toutefois être la parfaite combinaison d'une tirece naturelle, d'une quinte juste, etc... et permettre ainsi de jouer avec un instrument à cordes frottées. En revanche, si le morceau était transposé, cela ne sonnait pas toujours très bien, voire même d'autant plus faux que les doigtés n'étaient pas habituels pour le musicien. Il était donc bien plus facile de réaccorder les instruments à cordes que de transposer sur l'instrument à vent. Même les vieux mélodéons pouvaient être accordés plus ou moins haut, ce qui explique que beaucoup semblent avoir des fondamentales étranges. Le problème est donc le même qu'avec la clarinette, le mélodéon à une rangée étant, en plus, limité à une tonalité. Le ré-accordage pouvait aussi permettre de s'adapter à la hauteur de la voix quand on chantait.


     En fait, énoncer que le Do Maj était le plus utilisé est une approximation, et s'applique plus au doigté de la gamme qu'à la tonalité elle-même. Le fait de jouer avec un mélodéon en Sol un peu aigu (juste un peu en dessous du Lab) obligeait à détendre un peu les cordes, le "C Maj harpa" devenant un "La m harpa", l'un et l'autre étant, comme le "copparbasharpa" , des instruments qui n'existent pas ! A la lecture de la biographie de Sigurd Holmberg, on peut remarquer, par exemple, qu'il avait deux silverbasharpa accordés l'un en Sol, l'autre en Ré, ce qui correspondait aux tonalités les plus usitées dans le répertoire du violon taditionnel suédois. Les airs typiques en La pouvant facilement être joués en Sol, Holmberg et Härdelin avaient ainsi un sérieux répertoire commun. Le fait de l'entendre, sur certains enregistrements, jouer un instrument en Do est sans doute lié au fait qu'il les joue en solo et que cette tonalité donne une meilleure sonorité à son instrument et convient mieux à ses cordes.On peut donc estimer que les vieux silverbasharpas étaient accordés plus ou moins haut selon les circonstances.


     Les archets utilisés autrefois étaient adaptés au jeu avec bourdon, avec une baguette très cintrée et une mèche très peu tendue. La tension de cette mèche était réglée avec le pouce, soit en l'appuyant contre la baguette, soit en glissant le pouce entre la mèche et la baguette, tirant ainsi vers la hausse.L'annulaire et l'auriculaire, ou plus souvent l'auriculaire seul, est positionné sous ou derrière la baguette, un peu à la manière dite "française" de tenir l'archet de violon avec le pouce sous la mèche ou sous la hausse. Cet ancien type d'archet et la manière de l'utiliser et de le tenir ont laissé place, pour le nyckelharpa chromatique moderne, a un archet ressemblant plus à un archet de violon court, plus adapté au jeu sur une seule corde.


     Le silverbasharpa est la dernière étape de l'évolution des nyckelharpas anciens. Le nyckelharpa chromatique est beaucoup plus un nouvel instrument qu'une nouvelle évolution, et il ouvre une ère nouvelle. Tant le timbre que le répertoire, la technique de jeu et la forme le rapprochent beaucoup du violon, avec cette même possibilité de jouer dans toutes les tonalités, la mélodie étant jouée sur une seule corde, les double-cordes n'étant limitées que par les possibilités de doigté, mais sans cette importante capacité expressive du violon.: C'est une évidence, on ne gagne rien sans faire quelques sacrifices. A titre personnel, je trouve que les anciens nyckelharpas (qui n'ont jamais voulu être autre chose que des nyckelharpas) restent des instrument plus fascinants, mariant une technologie sophistiquée, des formes élégantes, des sympathiques claires et des mélodiques brillantes à des bourdons rudes et rustiques au son médiéval. C'est ce dualisme qui me parait irrésistible, et plus j'écoute cette musique gaie et envoûtante, plus je regarde ces instruments, beaux et ingénieux, plus je suis séduit.


     Un vieux souvenir pourrait tenir lieu de conclusion à tout ça. C'est celui d'un vieux musicien, dans les années 70. Il ne jouait pas de nyckelharpa, mais de la vielle à roue. Je l'ai croisé alors qu'il amusait la galerie sur un quai de la rive droite, à Paris. Il n'était pas parisien, mais picard, et était venu dans la capitale pour gagner un peu d'argent. Ses vêtements, d'un bleu éclatant, sans doute cousus par sa femme, ressemblaient plus à une tenue de travail, en mieux coupé, qu'à un smoking, et étaient agrémentés d'une écharpe de soie et, bien sûr, d'un béret qui faisaient de lui un authentique français (j'imaginais, en le voyant, la silhouette de Sigurd Homberg dans une situation identique, portant le chapeau qu'arboraient tous les gentlemen suédois de l'époque, et montant pour l'été à Rättvik pour y gagner sa vie avec son nyckelharpa). Quand il eu fini de jouer quelques airs pour son modeste auditoire (en fait, mon amie et moi) il s'est mis à parler de son instrument dont, manifestement, il était très fier. La conclusion de sa présentation aurait sans doute beaucoup plu à nos anciens nyckelharpistes: "MON INSTRUMENT EST LE PLUS EXTRAORDINAIRE DU MONDE, PARCE QUE CE N'EST PAS SEULEMENT UN INSTRUMENT, C'EST UN ORCHESTRE TOUT ENTIER !"
 
Anders Rosen
Septembre 2000
Quelques références:

*Consultations with Björn Björn och Sven Nordin.
*Djilda Abbot & Ephraim Segerman: 'Strings in the 16th and 17th Centuries', Galpin Society Journal vol. XXVII, 1974; corrected: Northern Renaissance Instruments, Research Report No.2, Manchester, September 1974.
*Gunnar Ahlbäck & Gunnar Fredelius: Nyckelharpans typologi, Internet: "VM i nyckelharpa", 2000.
*Werner Bachmann: Die Anfänge des Streichinstrumentenspiels, Leipzig 1966.
*Harry Danks: The Viola d'Amore, Bois de Bologne (England), 1976.
*Anders Eklund: Äldre nyckelharpstyper, Internet: "VM i nyckelharpa", 2000.
*Karl Peter Leffler: Om nyckelharpospelet på Skansen, Stockholm 1899; faksimiltryck 1978.
*Jan Ling: Nyckelharpan, 1967 & Berlings, Lund, 1979

 


Date de création : 02/08/2016 @ 12:14
Dernière modification : 02/08/2016 @ 12:35
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